La route est longue, ça fait une heure et demi qu’il conduit. En ce 14h le soleil nous surplombe encore de ses rayons de juillet. Je repense au cadeau qu’il m’a fait… une chaîne avec un pendentif en argent de toute beauté… « Garde le talisman des trois lunes et serre le très fort contre toi si tu te sens en danger..
c’est une amulette de protection! » qu’il m’a dit... Cependant il est silencieux aujourd’hui… il ne m’a pas adressé la parole depuis le début du voyage. Je dirai même qu’il est bougonneur et anti-social. D’habitude, il est souriant et fait toujours des blagues. J’ai le goût de lui demander si on arrive bientôt mais je n’ose pas. Il lit dans mes pensées et me répond: - Très bientôt, très bientôt Monica ma belle… regarde la pancarte à gauche, elle annonce la montagne noire… plus que 2 kilomètres encore. J’ai un léger haut-le-cœur d’adrénaline et lui dis : - Ce sont ces 2 grosses bosses noires au loin? - Oui, mais on ne les escaladera pas. Il arrête notre véhicule sur la voix d’accotement, tourne et avance dans un minuscule chemin de terre de 50 mètres environ… aboutissant à l’entrée de la forêt. - Nous y voilà, on est arrivés. - Mais on arrivera jamais à passer à travers ça chéri. - Ne t’en fais pas, il existe un chemin. Il longe la lisière des bois vers le nord à droite pendant 15 minutes et me montre une mince séparation entre 2 pins. Juste la place pour laisser passer une personne qui marche de coté. Je remarque les petites traces de pattes d’animaux parterre et lui dis : - C est une piste de lièvre? - Oui, et elle nous mène à une clairière. Alors difficilement, nous avançons dans ces arbres et nous nous frottons contre ces aiguilles de conifères… il fait chaud et la gomme d’épinettes nous colle dessus… il faut vouloir! Nous marchons encore une demi heure et arrivons à cette fameuse clairière d’herbe jaune et morte. Les arbres alentours semblent vouloir nous retenir prisonniers dans leurs grand cercle.
- Reposons-nous et repartons dans le sentier si tu veux? - Quel sentier? Dis-je à travers mes essoufflements. Je me laisse tomber sur le dos dans le centre de la clairière , les bras et les jambes écartés et je lâche un léger cri de relaxation qui résonne une fraction de seconde plus tard en rebondissement sur la montagne. - Tu vois chéri, si un avion passait, il croirait que nous avons dessiné une étoile à cinq branches. Il s’approche de moi, s’assied parterre, me caresse les cheveux, me masse les tempes et me dit : - Il n’y a plus d’avions qui passent pardessus cette montagne depuis des lunes… d’ailleurs, il n’y a même
plus d’insectes ni d’oiseaux… tu as remarquée? C’est étrange, il a raison… il me coupe les pensées en me disant : - Là en face de nous. - Quoi là en face de nous? - Écoute, tends l’oreille. Je distingue comme un bruit d’eau qui coule. - Par le ruisseau… le sentier est le ruisseau! - Il y a trois heures de marche à faire avant d’arriver à ma cabane et le soleil se couche vite caché derrière cette montagne… il faut bouger!
Et nous voilà repartis à longer les abords d’un ruisseau en amont d’une montagne. Il faut dire que cette nature est belle et enchanteresse. Après un certain temps je ne ressens plus ma fatigue et j’euphorise. C’est comme un deuxième souffle! Après une heure et demi de marche la récompense arrive!! Des cascades d’eau qui débouchent dans une source. La baignade ne se fait pas attendre et je flotte de bonheur. Je m’évade pour ne pas fabuler à ce qui va se passer dans la soirée… mais… j’ai une sensation étrange dans le bas de mon ventre… comme des légers chatouillements… je souris !
Le soleil est presque disparu… enfin nous pouvons apercevoir la cabane à une centaine de mètres. - C’est ici Monica… c’est ici que je me retire. - Regarde, la lune se lève! Me dit-il. J’admire le lever de cette magnifique géante lune à l’horizon. Du coup, elle me rend anxieuse quand je repense aux images du film qu’il m’a fait regarder… mais je n’y crois toujours pas. Je suis frondeuse, je n’ai pas peur et je veux savoir! - Viens, entre. - Rustique ici!… Où sont tes trophées de chasse? - Il n’y a pas de chasse Monica… tu me taquines. - Alors, où sont tes victimes? - Il n’y a pas de victimes ici Monica… il n’y a pas âmes qui vivent à cent milles lieux à la ronde… quoique ?!… il y a toi!!… Monica, je t’aime et c’est très dangereux le jeu auquel on joue… je suis sérieux!! - Trop tard, on ne peut plus reculer… regarde la lune!! Il se tait et se retourne vers la fenêtre, puis sort dehors et se plante debout sur le balcon. Je sors à mon tour et me place debout à quelques mètres devant lui et le fixe dans les yeux. Il commence à éviter mon regard en baissant la tête comme si il était coupable d’un acte grave. Quelquefois il me regarde avec un air de tristesse profonde à la « Crime et châtiments » de Dostoïevski. Ses yeux sont larmoyants et ils me disent de partir… « Sauve toi!… vite… je t’… »
Il me parle en marmonnant un drôle de charabia et moi je pense qu’il me joue la comédie. Cette situation dure toute la soirée et que je me fâche ou non… il ne m’écoute plus. Puis... le silence… il cesse ses gémissements. Il est là, debout et éclairé par cette lune glauque… à cette heure tardive, la lune a atteint son zénith et lui projette des reflets d’un bleu- gris métallique. Il me regarde sans cesse
comme une bête à l’affût. Ces yeux rouges sont d’une fureur atroce. Son air mauvais commence sérieusement à me donner la chair de poule. Bizarrement, l’éclairage se déplace sur son corps… comme si les zones de lumière bougeaient ?! Ce jeu de lumières me donne l’impression que son corps se modifie… mais à la distance que j’ai, je ne peux pas être sûre. J’ai l’impression d’avoir consommer une substance me mettant dans un état second… des hallucinations cauchemardesques. Il se penche la tête à nouveau et se retourne… met ses 2 mains sur sa tête et se met à s’agiter le haut du corps. C’est là que les cris effrayants commencent… comme si il souffrait… comme si il s’était blessé gravement. Je ne peux plus supporter cela. Et il se retourne!
Je le vois!!
Je cri et je tombe presque à la renverse. Le cœur me débat et fait gonfler mes artères de partout. Je n’ai jamais eu une sensation de terreur semblable! C’est horrible… l’homme que j’aime est un monstre!!! Il ne bouge pas et, des griffes de sa main droite il fait un drôle de geste. Il empoigne le milieu de son torse et me fixe. J’ai compris! Il veut que je prenne le talisman des trois lunes.
Je prends le médaillon, le serre dans ma main et l’accote contre mon cœur. Les cris et les hurlements cessent et j’entends une voix dans ma tête… Monica!… Monica!… c’est sa voix douce et amoureuse… Je relève la tête pour le regarder et je suis éblouie par des lumières qui sortent partout de son corps… des rayons lumineux qui lui donnent l’aspect d’un prince cosmique des bêtes sauvages. Il est beau… il est majestueux… c’est la plénitude et je suis bien avec lui. Je le regarde dans les yeux et lui dis:
« Je t’aime et je crois que je porte ton enfant »
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22 janvier 2010
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